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La contamination extraterrestre

La fameuse météorite d'Allan Hills ALH84001. Document NASA/JSC.

La nature d'ALH84001 : des débats contradictoires (I)

En collaboration avec Allan H. Treiman du Lunar and Planetary Institute américain (LPI), nous allons essayer de comprendre quelle peut être la nature véritable de la météorite d'Allan Hills, alias ALH84001, enfant putatif de Mars.

L'exercice n'est pas simple car beaucoup de publications scientifiques, si pas la plupart, sont difficiles à comprendre même pour des spécialistes et nombreuses sont celles qui ne disent pas pourquoi elles sont importantes. Il faut être initié et connaître les lois de la physique, de la biochimie et de la géologie pour comprendre le fond du problème. Aussi nous ne présenterons qu'un résumé des notions essentielles. Consultez les sites de la NASA consacrés au programme martien ainsi que les magazines scientifiques référencés pour plus de détails.

Parmi les sujets controversés que nous allons débattre, le 16 août 1996 David S. McKay et son équipe annonçaient dans la revue "Science" les faits suivants :

- la météorite ALH84001 a séjourné sur Mars,

- les structures tubulaires sont des organismes fossilisés,

- les globules carbonatées se sont formées sous des influences microbiotiques martiennes,

- la météorite a été altérée en solution aqueuse,

- les globules carbonatées sont associées à de la magnétite.

Devant autant "d'évidences", la communauté scientifique n'a pu s'empêcher de trouver des contre-exemples pour dénoncer les "preuves" avancées et les conclusions quelque peu hâtives présentées par McKay et son équipe.

En effet, tout bon scientifique, sceptique et rigoureux, doit tout de même vérifier ses propos et en particulier se demander si cette roche est bien d'origine martienne, si des réactions inorganiques ne pourraient pas créer les mêmes structures et si les substances carbonatées ainsi que la magnétite découvertes dans la météorite n'ont pas une autre origine. Telles sont les principales questions que se posent les exobiologistes et les géologues depuis l'article de McKay.

L'origine de la météorite d'Allan Hills ALH84001

Les indices “extraterrestres” que nous possédons :

- Les composants carbonés suggèrent une décomposition de matière organique

Les cristaux de magnétites martiens sont similaires aux cristaux que l’on retrouve dans les bactéries MV-1

- Les traces minérales suggèrent une action organique comme si celle-ci avait une origine terrestre

- La forme bactérienne des structures

ALH84001 est-elle un vieille pierre ou a-t-elle emprisonné une forme de vie primitive ? La question reste ouverte.

Document http://www-curator.jsc.nasa.gov/

L'origine martienne

La météorite ALH84001 est une roche pesant 1.9 kg. Sa cristallisation s'est produite voici 4.5 milliards d'années et contient des traces de carbonates datés de 3.9 milliards d'années. Elle est remarquablement bien conservée mais présente des traces de choc (impact violent de type météoritique). Chimiquement elle appartient à la classe des SNC, dont Nakhla et Shergotty sont les chefs de file. C'est une achondrite, une pierre métamorphique qui a subi une transformation thermique à l'intérieur de la planète hôte qui l'abrita pendant des milliards d'années. Sa structure a été recristallisée et est très granuleuse. Mais comment confirmer son origine martienne ?

Le basalte dont la météorite est composée n'est pas un indicateur très probant car il est commun à la plupart des corps célestes, sous différentes colorations allant du gris clair au noir, et aspects, granuleux, filandreux ou vitreux. Sa structure microscopique pourrait éventuellement nous mettre sur la voie.

Ce sont en fait les gaz qui déterminent l'origine martienne des SNC car les isotopes qu'elles contiennent, en particulier le rapport isotopique 17O/18O, épousent le même profil que ceux analysés dans l’atmosphère martienne par la mission Viking en 1976. Ces météorites contiennent également de petites quantités d'eau dont le rapport isotopique de l'oxygène diffère de celui mesuré dans l'eau terrestre. Tous ces indices suggèrent non seulement que ces météorites viennent de Mars mais que cette planète contenait autrefois beaucoup plus d'eau, transformant ces SNC en carbonates. Il est donc confirmé avec un certain degré de confiance qu'ALH84001 est bien d'origine martienne. Elle fut expulsée de Mars suite à un bombardement météoritique et se retrouva dans l'espace où elle era durant plusieurs milliers d'années avant d'être attirée par la Terre et de tomber en Antarctique.

Deux autres échantillons de la météorite d'Allan Hills ALH84001 (spécimens 84001,0 et 84001,65). On distingue particulièrement bien la croûte de fusion sur la partie gauche du premier specimen. C'est ce specimen qui contiendrait les fameux micro-organismes ! Documents NASA/JSC.

Les organismes fossilisés

McKay et son équipe ont annoncé avoir découvert les traces d'anciennes formes de vie martienne dans la météorite ALH84001, apportant pour preuves la découverte de globules carbonatées et de structures allongées ou tubulaires suspectes. Mais peut être un peu trop suspectes...

D'emblée les microbiologistes et les paléobiologistes rétorquèrent que les présumés fossiles d’êtres unicellulaires avaient une taille nanométrique, nettement inférieure à leurs équivalents terrestres. Les structures découvertes au microscope électronique et agrandies plus de 100000 fois mesurent moins de 30x130 nanomètres (milliardièmes de mètre) alors que leurs équivalents bactériens terrestres qui existaient il y a 3.5 milliards d’années sont au moins 10 fois plus grands et nos parasites contemporains sont 200 fois plus volumineux  (cf. ce schéma comparatif) !

Echantillons de globules carbonatées et de structures allongées trouvées dans la météorite ALH84001. Si les formes allongées sont des bactéries, elles sont en tous cas 10 fois plus petites que leurs équivalents terrestres. Forme de vie ou pur minéral ? La question reste ouverte. Document NASA/JSC.

Deux questions fondamentales permettant de résoudre ces difficultés furent de suite mise en évidence. La première : à quelle température se sont formés les matériaux organiques, sous 100°C où nous savons que la vie peut évoluer ou à haute température ? Deuxième question : des petites structures de 100 nm sont-elles suffisamment grandes pour contenir toute la machinerie moléculaire qui permet à une cellule de maintenir ses fonctions vitales ?

Bien que les réponses demeurent en suspens, fin 1998 l’équipe de McKay reconnaissait que ces pseudo-bactéries étaient trop petites pour être des microbes fossiles et contenir tout le mécanisme biochimique nécessaire à la vie comme nous la connaissons... Certaines toutefois pouvaient être des filaments ou des fragments de plus grands organismes martiens, McKay rappelant que quelques pseudo-bactéries martiennes mesuraient 0.75 microns, ce qui était similaire à leurs homologues terrestres.

McKay et son équipe n'étaiznt pas résignés à abandonner leur hypothèse. Mais selon le Dr J.W. Schopf, si on considère qu'il s'agit d'organismes martiens, en admettant qu'ils aient une paroi cellulaire épaisse d'environ 6 nm, leur volume reste malgré tout 2000 fois plus petit que celui du plus petit organisme vivant sur Terre !

Evidemment, de tels arguments ne prouvent rien et n'infirment certainement pas l'hypothèse que les structures découvertes soient éventuellement des fossiles de micro-organismes martiens. Mais avec le peu de données dont nous disposions, les scientifiques ne pouvaient pas trancher la question. D'autres voies de recherches ont donc été explorées.

L'effet de la température par exemple. R.P. Harvey, H.Y. McSween Jr ainsi que E.R.D. Scoot et son équipe ont testé en 1996 et 1997 des scénarii à haute température (200°C à plus de 500°C) afin de vérifier si l'évaporation du milieu pouvait contribuer à former des carbonates. Leurs résultats publiés dans la revue "Nature" (vol. 382 et 387), concluent qu'une telle hypothèse est difficile à tester. Ils convergent en fait vers l'idée générale considérant qu'un processus à haute température ne peut pas être prouvé.

Aussi ils ont préféré explorer un modèle alternatif : la précipitation à basse température de l'eau d'un lac salé en prenant l'exemple de la Mer Morte. Et de fait, ce lac dont la salinité atteint 30% précipite les minéraux carbonatés au cours du processus d'évaporation : la séquence classique est calcite, dolomite ou ankérite et magnésite. Ces minéraux apparaissent en zones concentriques autour du centre du lac mais peuvent également se déposer dans les roches, sous le lac.

Si Mars n'a pas de désert salé, P.H. Warren suggéra en 1998 que les fleuves martiens en crue ont pu percoler à travers le régolite martien et produire un effet similaire. Toutefois si des bactéries et d'autres microbes abondent dans les eaux évaporées sur Terre, elles ne sont pas indispensables pour précipiter les minéraux carbonatés.

Des bactéries Cocci (gauche) et des Pseudomonas aeruginosa (droite). Ces organismes terrestres sont les plus petites formes de vie. Elles mesurent au moins 1 micron (1000 nanomètres) et certaines comme les Matteia forment des chaînes 100 fois plus grandes. Ces Pseudomonas sont dix fois plus grandes que les structures allongées découvertes sur la météorite ALH84001. Documents CNRI/SPL et James A. Sullivan.

Pour sa part, en 1999 dans le "Journal of Geological Research" (vol. 104), E.R.D. Scott et son équipe considéraient qu'au vu des fractures autour desquelles se regroupaient les globules carbonatées et en particulier les petits trous en forme de disque présents dans les pyroxènes, les globules avaient pu se former à haute température dans un processus métamorphique lié à une chimie de choc.

Mais selon P.H. Warren, si les globules peuvent parfois grandir à partir de telles alvéoles, ce phénomène n'est pas significatif en soi car il peut, sur Terre, être altéré par les eaux salées. A ses yeux la théorie de choc invoquée par Scott faisant appel à des "complexités vaguement définies" est inadéquate. "Ce modèle serait incapable de produire les grandes variations de composition isotopique de l'oxygène que l'on trouve dans les différentes couches des globules et autres formes en pancakes".

Si les expériences conduites jusqu'à présent n'ont pas permis de déterminer l'origine des structures tubulaires découvertes dans la météorite ALH84001, les scientifiques ont abordé la question d'une autre manière : peut-on trouver dans la nature un processus capable de former des structures inertes ayant l'aspect de ces structures allongées ? C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

Les pseudo-bactéries

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